Le contenu de cet article n'engage que son auteur : Régis Portalez

Xavier Bertrand a raison

Comme Nicolas Sarkozy avant lui, Xavier Bertrand souhaite que le travail paye mieux. Il a ainsi repris à son compte une vieille proposition : faire converger le salaire brut et le salaire net en réduisant les « charges ». Évidemment, tous les gauchistes lui tombent dessus. Funeste erreur ! Dans un contexte inflationniste, on ne peut que se féliciter de le voir se préoccuper du niveau des salaires. Qui peut aller contre cette idée ? Pas moi en tout cas. J’irai même presque jusqu’à dire qu’il a raison. Malheureusement, il n’a pas poussé l’idée assez loin.

Essayons de pousser la proposition au bout, en étant aussi « sérieux » que possible. Il s’agit de s’assurer que les travailleurs reçoivent 100 % du produit de leur travail. On supprime donc complètement les « charges » salariales et patronales et on verse tout aux salariés. Tant qu’à faire, on verse également la plus-value, en reprenant l’idée de « dividende salarié », qu’on mène également au bout : tous les bénéfices sont versés aux salariés.

On aurait, sans nul doute, un sacré « choc de pouvoir d’achat ».

Toutefois, il faudrait bien que les salariés disposent d’une protection maladie, d’une assurance perte d’emploi, et d’une assurance retraite. Là aussi, la droite ne manque pas d’idées : il suffit d’imposer une mutuelle, une assurance emploi et un plan épargne retraite obligatoires. Rien de plus simple, c’est déjà fait pour la mutuelle et pas bien compliqué à mettre en place pour les retraites.

C’est là qu’intervient la science des assureurs. Afin d’assurer la stabilité et la pérennité du système, il faut que ces fonds assurantiels aient la plus grande surface possible. Pourquoi pas l’ensemble des salariés du public comme du privé ? Ainsi, on pourrait avoir un seul acteur de l’assurance santé, un seul pour l’assurance chômage un seul pour l’assurance retraite. Les synergies entre ces différents opérateurs devraient dégager de significatives marges de manœuvre financières, notamment du fait de la mutualisation des frais de gestion et de la rationalisation des offres.

On aurait toutefois un écueil à surmonter. Ce grand assureur du risque social (appelons le « sécurité sociale ») serait en situation de monopole. Le préambule de la constitution de 1946 nous imposerait alors de le nationaliser. Pourquoi pas, mais serait-ce bien responsable de faire porter à l’État l’intégralité du risque, au moment où il est déjà si endetté ? Et puis c’est connu, l’État est un piètre gestionnaire.

On ferait mieux de l’organiser sur un modèle mutualiste, où les « cotisants » seraient eux-mêmes en charge de la gestion de leur propre fonds assurantiel. Il s’assureraient que « leur argent » est géré comme il l’entendent en décidant des montants appropriés de cotisation et du niveau des prestations.

Encore quelques points de détail. En distribuant l’intégralité du bénéfice en dividende salarié on tarit la source de toute vie économique : l’investissement capitaliste. Qu’à cela ne tienne ! Il suffit d’imposer une cotisation investissement. Une part du salaire serait prélevée à la source et reversée à un grand fonds d’investissement. Même raisonnement que pour l’assurance, il faudrait malheureusement nationaliser ce fonds en situation de monopole (qui capterait l’intégralité des fonds disponibles pour investissement). Et, même chose encore, on préférerait plutôt un modèle en autogestion afin d’éviter que l’État ne fasse n’importe quoi avec l’argent des travailleurs, comme il en a la fâcheuse habitude.

Ainsi, en poussant l’idée de Xavier Bertrand au bout, on disposerait d’une grande caisse couvrant le chômage, la retraite et la santé, en auto-gestion qu’on appellerait la « sécurité sociale ». On aurait également un grands fonds d’investissement public en autogestion. Finalement, Xavier Bertrand est d’accord avec Bernard Friot. Surprenant.