Le contenu de cet article n'engage que son auteur : Michel Doneddu

Le « prix Nobel » d’économie va-t-il bousculer l’idéologie mainstream ?

Le « Prix Nobel d’économie » (abus de langage puisque Alfred Nobel n’avait pas inclus l’économie dans la liste des sciences à récompenser, ce n’est qu’un prix de la Banque de Suède) vient d’être décerné à 3 économistes dits « empiriques », dont David Card.

Celui-ci a montré que la hausse du salaire minimum n’était pas néfaste pour l’emploi, contrairement à la très répandue doxa néolibérale. Il l’a fait en s’appuyant notamment sur des comparaisons de données entre des états comparables des USA qui ont choisi des politiques différentes en matière de salaire minimum.

La Banque de Suède ne nous avait pas habitué à consacrer de tels courants de pensée. Que se passe-t-il donc au sein du monde des économistes ? Le doute se répandrait-il sur la validité des grandes affirmations du néolibéralisme, telles que « le salaire nuit à l’emploi » ? Vous souvenez-vous de la sortie en 2016 du livre de Pierre Cahuc et André Zylberberg « Le négationnisme économique », dont la publication avait été accompagnée d’une forte promotion médiatique.

Ils prétendaient notamment que l’économie néolibérale était devenue une véritable science, dont la théorie était validée par l’expérience. Pour eux toute contestation de cette théorie, comme oser affirmer que la hausse des salaires  ne  nuit pas à l’emploi,  relevait du « négationnisme économique ». Et voilà que le (faux) prix Nobel vient d’être décerné à l’un de ces négationnistes, précisément parce qu’il a adopté une démarche expérimentale ! Personnellement, je trouve cette situation quelque peu savoureuse.

Pierre Cahuc a été professeur à l’X de 1998 à 2018, membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier Ministre de 2006 à 2016 et du Comité d’experts sur le salaire minimum de 2012 à 2016, aux côtés de son ami Gilbert Cette. C’est leur pensée et leurs affirmations soit-disant « scientifiques » qui ont été écoutées par les gouvernements qui se sont succédé .  Auront-ils aujourd’hui la sagesse d’écouter d’autres points de vue ? C’est leur pensée et leurs affirmations qui ont été  enseignées aux élèves de notre école comme des théories aussi fiables que celles de la physique.

La direction de l’X aura-t-elle l’indépendance d’esprit suffisante pour admettre que l’enseignement de l’économie doit reposer non sur la promotion d’une prétendue vérité scientifique, mais sur les comparaisons de courants de pensée contradictoires ?