Le contenu de cet article n'engage que son auteur : Régis Portalez

GOULAG ou barbarie : TINA

Évidemment, le titre est une provocation. Est-il besoin de le dire ? Et pourtant…

Le monde court à sa perte par l’effondrement de l’écosystème dû à l’avidité sans limite du capital. Et pourtant, ce qu’il reste de forces démocrates se fait rouler dessus. Et pourtant les désobéissants finissent en garde à vue. Et pourtant les zadistes sont des « khmer verts », sinon des « écoterroristes ». Et pourtant l’assemblée doit se tenir sage.

Nous savons déjà que nous allons souffrir, que nos enfants souffriront encore bien plus, et peut être même qu’à plus 4 degrés, leurs conditions d’existence seront sérieusement remises en question.

Partout les signaux se multiplient : mortalité infantile, incendies, sécheresses, morts sur des brancards, mortalité maternelle, montée du fascisme… Tout partout, tout le temps, nous indique que ce monde va vite devenir intenable.

Il se trouve qu’aujourd’hui il se passe quelque chose. Une lutte sociale contre la démolition des retraites. Il se trouve que ça bouge. Et ça tremble aussi : et si on perdait ? C’en serait 10 ans de massacre. Mais si on gagnait ? Pourrait on pousser plus loin qu’une simple lutte sectorielle ou technique ? Pourrait-on transformer ça en mouvement plus large, ce que ni 36 ni 68 n’ont réussi à faire ? Je ne suis pas oracle et d’ailleurs personne ne l’est, au moins à court terme. Les gens qui « ont vu venir les gilets jaunes » sont des menteurs. Les choses de cet ordre surgissent. Elles sont préparées, certes, encouragées, évidemment, mais personne ne peut jamais savoir quand elles vont advenir. La lutte sociale en cours doit occuper toute notre énergie, même s’il ne s’agit que de « pas grand chose ». Évidemment, garder 60 ou 64 ans, ce n’est pas la révolution communiste. Évidemment, on est loin du salaire à vie. Évidemment. Mais pour tous ceux qui devraient en mourir au travail, ne pas en voir leurs petits enfants, s’en casser le dos 4 ans de plus, c’est TOUT.

Il se trouve qu’aujourd’hui, là haut, ça tremble aussi. Et s’ils gagnaient ? Et s’ils réussissaient à s’unir, à se parler, à réoccuper les rond points, à faire un truc nouveau ? Et s’ils faisaient vraiment une grève générale ? Ils en chient dans leurs slip.

Mais voilà ce qui s’abat sur les députés macronistes avant même le vote : le vote ou l’exil, leur dit-on. Explicitement : votez ou soyez chassés du groupe. Ceci étant dit, Macron étant ce qu’il est (je ne m’étends pas), on comprend que tant que l’Élysée ne sera pas entouré de rivières de feu, la réforme ne sera pas retirée. Parce que tout en haut, la raison a quitté le boite crânienne. Si des députés peuvent être sensibles à leur carrière ou a des restes de vagues convictions, là haut, foin de tout cela : il faut que ça passe. Et tous ces gens dépendent de là haut. Sans cela, ils ne sont rien.

Où tout cela nous amène ? Vers toujours plus de folie. L’alternative est simple : soit on gagne, et vite, soit ils gagnent, et pour longtemps.

Alors il nous faut envisager les deux cas.

Dans l’hypothèse d’une victoire du capital, nous perdrons dix ans, une éternité. Le monde du travail sera ravagé, il sera très difficile de faire renaître des choses solides après une telle humiliation. C’est là dessus que joue le pouvoir et c’est là dessus qu’il faut se battre dans répis. Le capital se sentant des ailes, c’en sera fini de tant de choses et le toboggan vers la barbarie sociale et capitaliste déchaînée : la guerre peut être, le fascisme à coup sûr, l’effondrement de l’écosystème certainement.

Dans l’hypothèse d’une victoire sociale, écologiste, féministe et tout ce qu’on voudra, il faudra gérer l’adversité. Intérêt général a récemment publié une note sur le sujet : faire sauter les verrous. Si bonne que soit cette note, si bons que soient tous les scenarii d’une « gauche » au gouvernement, je crois qu’ils sous estiment deux choses : l’esprit de revanche du camp du travail et le désir infini des dominants de garder le pouvoir.

Dans cette seconde hypothèse désirable, il faudra tenir ces deux forces à distance. Et c’est là qu’il est temps, constatant que le goulag percole plus loin que mon cercle twitter, de préciser ce que j’entends par là.

Le GOULAG, nom choisi à dessein pour provoquer, écrit en majuscules pour se distinguer de l’horreur de la Kolyma, consiste à contenir précisément la violence de revanche sociale en la canalisant et la violence du capital en la pénalisant. Pas plus tard qu’hier, les raffineurs de grandspuits on reçu une lettre leur annonçant que face à la grève, Total n’investirait plus dans les énergies renouvelables. La grève de l’investissement est une action que sait très bien mener le capital et qu’il mènera sans sourciller pour préserver sa rente même si nous cramons tous. Que faire d’autre des ces gens, le jour de la révolution, que les empêcher de nuire ?

Il faut les chasser, et vite, leur enlever tout moyen, mais aussi les préserver de ceux qui voudraient leur couper la tête au couteau, comme lors de la prise de la bastille. Évidemment ce ne serait pas les raffineurs eux mêmes qui auront trop envie de reprendre leur outil de production et de le faire tourner pour le bien. Ce serait la violence enfin déchaînée de certains, nombreux, qui n’en peuvent plus et qui viendront.

Le GOULAG, c’est donc garantir au peuple déchaîné que oui, les coupables payent mais que l’on reste dans un humanisme intégral.

Personne n’y souffrirait du froid, de la faim ou de la maladie. Les détenus pourraient voir leur famille. Ils pourraient y lire, travailler, prier, mais privés de tout pouvoir de nuisance le temps qu’un nouvel ordre s’installe. Pas de contre révolution blanche. Pas de grève de l’investissement. Pas de recrutement de milices. Pas d’alliance avec l’étranger. Là bas on sera protégés de vous et vous de certains d’entre nous.

Ma profonde conviction est que l’alternative est devant nous : communisme ou barbarie. Mais que l’hypothèse communiste n’exclut pas une période de transition dans laquelle trop de passions se déchaîneraient dans la violence auxquelles il faut donner une sortie. Le GOULAG, moyen de réinsertion des fous qui nous gouvernent. Moyen de leur faire goûter le travail, la fatigue physique, les copeaux qui brûlent, les fumées qui puent, mais aussi la solidarité. Voir Basta! capital.

Sans cela, sans un GOULAG humaniste, c’est à dire un moyen de temporairement mettre à distance les nuisibles d’aujourd’hui avant de les réinsérer, le risque de barbarie révolutionnaire est fort. Or la barbarie révolutionnaire implique une égale barbarie contre révolutionnaire. Et souvent la barbarie contre révolutionnaire gagne. Et impose ensuite son récit.

Le temps nous est compté. Il faut une révolution écologiste et humaniste. Et vite.
Paradoxalement, cela suppose des GOULAG. Paradoxalement, le GOULAGisme est un humanisme.