Le contenu de cet article n'engage que son auteur : Régis Portalez

Tout cramer

Nous voilà de nouveau enfermés dans un choix binaire : être pour le passe sanitaire ou contre le contrôle épidémique. Cette absurdité de plus nous est évidemment imposée par Macron et son gouvernement : le passe sanitaire, c’est la panacée alors si vous n’êtes pas pour, c’est que vous êtes un fichu complotiste réfractaire. Voire un antisémite.

Pourtant la réalité est plus nuancée. Quelques anti passe sont antivaccins, d’autres sont contre la société de contrôle, certains sont de droite, d’autres de gauche. Bref un peu de tout, et là-dedans quelques cinglés, quelques horribles racistes, comme partout.
Quelques pro passe sont d’horribles macronnards, d’autres pensent que la mesure est acceptable parce qu’elle est temporaire, d’autres l’acceptent par résignation (il faut bien faire quelque chose). Quid de la démocratie là dedans ? Elle n’existe pas, les gilets jaunes ou les communards nous l’ont bien prouvé, elle n’existe que lorsqu’il s’agit de faire respecter l’ordre propriétaire.

Un pouvoir ça n’aime pas la nuance, surtout un Macron absolutiste. Ça aime isoler les gens pour les contrôler. Et pas pour rien. Pour garder son pouvoir ou le faire garder à son vrai maître : l’argent. 

Souvenons-nous de 1984 et de son commentaire de Noam Chomsky « Le truc, c’est de ne pas rester isolé. Si on est isolé, comme Winston Smith dans 1984, alors tôt ou tard on lâche prise, comme il le fait à la fin. Voilà en un mot ce que racontait le roman d’Orwell. En fait, toute l’histoire du contrôle sur le peuple se résume à cela : isoler les gens des uns des autres, parce que si on peut les maintenir isolés assez longtemps, on peut leur faire croire n’importe quoi. »

Pour cet objectif, rien de mieux que les couper en deux : les gentils commerçants contre les méchants gilets jaunes, ceux qui réussissent contre ceux qui qui ne sont rien, les gentils manifestants contre les méchants casseurs, les gentils qui veulent du passe contre les méchants réfractaires antivaccins.

Ensuite il n’y a plus qu’à laisser faire la machine.

D’une part les médias vont rentrer à fond dans cette logique à coup de micro-trottoir et d’experts de plateau à la Michel Cymes.
D’autre part, face à la communication de plus en plus brouillonne du gouvernement (à la fois par incompétence et à dessein, sans qu’on ne sache jamais où est la frontière) les réseaux sociaux vont s’enflammer pendant que les administrations vont se noyer sous les directives et déclarations contradictoires.

La polémique va enfler et s’auto entretenir, créant autant de lignes de fractures chez l’opposition qu’elle crée de résignation chez la majorité : les gilets jaunes, oui, mais pas les Black bloc ; les anti passe oui, mais pas les antivaccins.
Enfin, les brevets en pureté idéologique caractérisant le pandémonium vont entrer en jeu pour finir de faire éclater le front. Impossible de manifester avec l’extrême droite (laquelle ?). Impossible de manifester avec l’extrême gauche (laquelle ?). Untel est pour ? Je suis donc contre.
Il existe pourtant une ligne politique viable : être pour la vaccination obligatoire et contre le passe sanitaire. C’est même la seule ligne tenable. Le virus tue ET macron s’en sert pour imposer un modèle autoritaire à la chinoise qui n’a rien de sanitaire. D’autres pays en font autant ? Mêmes causes, mêmes effets. Mais plus rien de la raison n’atteint beaucoup de gens, ils sont sidérés entre haine de Macron, peur du virus, peur du vaccin, angoisse économique, dépression structurelle et tremblements militants pour les plus politisés. 
Même les plus grosses évidences ne feront pas réagir. Untel gifle Macron et se retrouve condamné à 18 mois de prison, dont 4 fermes avec mandat de dépôt, le tout en quelques jours ? Bien fait pour sa gueule, dirons certains, c’était un vilain d’extrême droite. D’autres en disaient autant d’Antoine Boudinet (c’était un vilain d’extrême gauche) ramassant une grenade avant que sa main explose. Les gerbes de sang, c’est comme les gerbes de prison, c’est joli de loin. Ça a son esthétique militante, on s’en réjouit, on s’en contente, c’est charmant. C’est comme le réchauffement climatique, ça brûle, c’est triste mais c’est beau. Mais impossible de voir le fond : elles viennent des structures qui elles, arrachent des mains, des pieds, mettent des gens en prison pour rien, détruisent des cœurs de boxeurs.

Ces structures ont des noms : ce sont celles qui nous gouvernent, en un mot le capitalisme. On pourrait le réduire à son expression libérale acceptable, un bon vieux fordisme avec actionnariat familial. Mais l’actionnariat familial accepterait-il le protectionnisme, les droits sociaux, les normes environnementales, et tout ce qui est nécessaire à une vraie démocratie écologique ? Non il nous chierait dans les bottes comme nous chie sur le nez le néolibéralisme (avec moins d’élégance il faut le reconnaitre). Le pouvoir est là : aux mains de l’argent, et l’argent ne se laissera d’autant moins faire qu’il a infiltré les classes intermédiaires via la capitalisation des retraites aux USA ou la participation en Allemagne.

Le changement à venir impose de changer complètement de modèle, nous disait déjà le rapport Meadows en 1972. Barbara Pompili ne dit pas autre chose mais avec beaucoup plus de mauvaise foi électorale. Pourtant changer de modèle suppose de changer la nature des structures, à savoir démolir le capitalisme.

Et si c’était nous tous qui étions les robots de Blade Runner ? On retire d’autres robots, on se bat pour le système alors que notre intérêt objectif est de le faire brûler. On gère des gens, on obéit à d’autres, on vit dans un système qui n’a plus le moindre sens mais on le fait pour continuer d’être. La planète brûle, la Sibérie, le Canada, la Turquie, l’Algérie, Madagascar, le Pakistan, la Californie, la Grèce, tout brûle. Tout crame pendant qu’on devise de nos responsabilités individuelles. Le Covid fait brûler l’économie et tue des gens par millions ? On discute de notre responsabilité individuelle pendant que Macron se lave les pieds au numéro 5.
La responsabilité de tout ça, des incendies, des morts du covid, des rivières sèches, etc, appartient aux ordures qui nous gouvernent et aux structures qui leur ordonnent de le faire.

Comment envisager une autre solution que tout brûler ? Tout cramer comme disent les anarchistes ?

La part du capitalisme dans la mort de l’écosystème est totale, leur part dans la souffrance sociale est absolue, ils se gavent de dividendes en niant les effets de leurs propres méfaits. Et on y croit. Enfin assez de gens y croient pour se retrouver liquidateurs d’un système qui en enrichit d’autres en nous faisant tous mourir. Brûler nos maitres, voila ce qui doit nous guider. Brûler l’actionnariat, brûler le capitalisme, brûler la finance, brûler les structures politiques, en un mot, tout cramer.
Rien d’autre ne pourra nous sauver. C’est eux ou nous : cramer le capitalisme ou tout regarder cramer.