Une partie des classes moyennes supérieures s’exprime en ce moment (au moins) sur les réseaux sociaux. Il paraîtrait qu’on paye pour entretenir un état ventripotent, spoliateur et redistributeur au profit unique de minorités racisées.
Les posts fleurissent et les like avec. Romaric Godin en a écrit une analyse sur mediapart. Le texte est excellent et doit être lu pour comprendre comment l’échec du néolibéralisme nous conduit tout droit au néofascisme, celui qui a conduit Trump au pouvoir et conduira un gorafisme au carré au pouvoir en 2027 si rien de plus conséquent qu’une primaire populaire n’est envisagé par les ramollis de libération.
Toutefois, il faut reconnaître que l’État est ventripotent et spoliateur. Il est farci de très hauts fonctionnaires et d’élus parfaitement parasitaires, incompétents et tout à fait nuisibles. On pourrait citer François Villeroy de Galhau qui ne cesse, du haut de ses 310000 euros annuels (plus 6400 euros par mois pour le logement — pauvre chat), de faire la leçon aux français qui ne travaillent pas assez pour rembourser le Très Saint Dette Publique. Ou Pierre Moscovici, dont la fonction se résume à dire qu’on dépense trop et qu’il faut faire des économies pour rembourser la même Très Sainte Dette, pour 14500 euros par mois.
De même, étant entrepreneur, je ne peux que constater que les URSSAF et la DGFIP sont des monstres inhumains qui prélèvent à volonté ce que mon travail produit. Je vais de redressement en redressement, toute demande de remboursement de TVA est un calvaire, chaque bilan une angoisse. Je n’ai aucune visibilité sur les prélèvements qui sont effectués sans consentement et je n’ai jamais le moindre rendez-vous avec un être humain : toujours des messages sur un site obscur qui me notifie juste assez tard pour que j’aie des pénalités.
Ainsi, dans leur critique du coût de l’État, le mouvement #NicolasQuiPaye n’a pas tout à fait tort. C’est même ça qui fait le succès de tous les mouvements d’influence : se baser sur des éléments de réalité. Les pro-Poutine ont raison de dire que l’Ukraine et l’Otan ont fait n’importe quoi avec les accords de Minsk et que l’OTAN aurait dû s’auto-dissoudre en 1991, les covido-négationnistes ont raison de dire que le pouvoir a menti et nous a réprimés et manipulés, les soutiens au génocide que le Hamas a commis des attentats sordides. Tout repose toujours sur un fond de réalité qu’ils tordent pour appuyer pour servir un agenda tout autre. A la fin, beaucoup oublient cette réalité pour tomber dans le narratif d’autres qui, eux, ont des intérêts biens réels. Dans le cas #NicolasQuiPaye, l’agenda a été assez clairement expliqué par le camarade Romaric : dissoudre l’impôt et les cotisations en vue d’une société libertarienne ou chacun toucherait l’intégralité de sa plus-value et serait seul responsable de sa réussite ou de ses échecs (en plus d’un agenda techno-fasciste et raciste) modulo les prélèvement d’un État garant répressif de cette « liberté ».
Pour autant, et c’est dit dans l’exergue de la Pompe à Phynance, l’État redistribuerait (et a pu le faire plus ou moins) intégralement le produit de ses captations, contrairement au système banque-actionnaires qui les conserve pour lui seul. Sauf que, néo-libéralisme et effondrement du bloc soviétique étant passés par là, l’État a retrouvé sa fonction de comité d’organisation des affaires bourgeoises. Sans syndicalisme puissant, sans parti révolutionnaire de masse, l’État se contente désormais de prélever les classes moyennes et populaires au profit quasi-unique de grandes corporation supra-nationales. Sa haine est devenue légitime car effectivement, ayant fusionné avec le grand capital, lui aussi ne prélève que pour lui-même — c’est-à-dire ceux qui le produisent, malgré des missions redistributives résiduelles dont veulent justement s’affranchir les libertariens et les capitalistes. Indépendamment de l’absurdité d’un État qui ne prélèverait plus pour redistribuer et laisserait à chacun l’intégralité du produit de son travail, c’est une illusion car il continuerait à prélever pour financer les grands groupes et les oligarques qui ont le contrôle de sa production et de son action.
Ainsi un autre #NicolasQuiPaye est possible.
Celui qui considère qu’on ne paye pas trop d’impôts mais qu’on n’en paye pas assez. Qu’on ne cotise pas trop mais pas assez. A tout le moins juste assez. Mais que le problème est le niveau de prestation qu’on a en face. Qu’il y a un problème sur la nature et la production de l’État. Celui-ci devrait être nous : un moyen dont on se dote pour exécuter les décisions qu’on prend.
De saines revendications seraient celles d’un État populaire, comptable devant nous, de cotisations et d’impôts qui nous donnent un juste droit (égal) à des services publics (école, trains, routes, …), à des droits sociaux : chômage, santé, retraite et… logement.
Car s’il paraît choquant aux #NicolasQuiPaye qu’on soigne le diabète d’un migrant (entre deux coups de matraque), payer 30% de leur revenu à un bailleur (qui s’est contenté d’hériter et chouinera sur son rendement avant d’encaisser sa plus-value) leur paraît tout à fait normal. A la fin, en fonction de notre niveau de revenu et de notre travail, on paye d’abord notre bailleur, les banques et les capitalistes. Et c’est dans une proportion si scandaleuse qu’il est incroyable que ça ne paraisse pas évident à la majorité. On paye notre bailleur et sa plus-value. On paye notre banque et son « coût d’emprunt ». On paye la chaîne de distribution et les marges accumulées d’entreprises d’import, de distribution, d’assurances, qui ne font RIEN sinon prélever.
Un mouvement #NicolasQuiPaye conséquent est donc communiste. S’il veut rendre aux travailleurs l’intégralité de la valeur de leur production, il veut des cotisations hautes et la propriété des moyens de production, l’expropriation des actionnaires, des banques et des bailleurs.