Pierre-Charles Lesage : Notes sur un projet d’organisation pour l’École nationale des travaux publics

10 floréal an II (29 avril 1794)

Instruction

Dans la persuasion où nous sommes que l’intention de la Convention nationale est de donner à cet établissement la plus grande latitude possible relativement à l’organisation et au mode d’instruction, sur le rapport qui lui sera fait par son Comité de salut public, nous supposerons le nombre des élèves fixé à 250.

D’après cette base, on renvoyé pour le mode d’instruction qu’il convient d’établir dans cette école à un excellent mémoire qu’a dû faire le citoyen Morlet, relatif à l’instruction qu’il conviendrait d’établir en ce moment à l’École du génie et à un tableau que l’on joint ici, fait par le citoyen Clément, qui est le résultat de ses réflexions sur cette partie et de celles du citoyen Lamblardie, adjoint pour l’école à feu Perronet.

Observations particulières de l’inspecteur

Nous avons reconnu qu’il serait préférable, surtout actuellement que l’école est dégarnie de sujets instruits tant par les réquisitions faites par le ministre de la guerre (le nombre est de 35) pour être employés dans le corps du Génie à la suite des armées ou dans les places frontières que par ceux envoyés dans les différents départements par le Ministre de l’intérieur (le nombre est de 26) pour y surveiller les travaux …

Nous pensons qu’il serait convenable que les professeurs qui seront chargés de l’instruction des élèves fussent pris dans le nombre des citoyens les plus habiles dans les différentes parties qui font la base des connaissances d’un ingénieur et qui en auraient fait leur état, qui seraient d’ailleurs reconnus avoir l’art d’enseigner auquel ils joindraient les mœurs et le patriotisme le plus épuré.

Pièces nécessaires à l’instruction générale

Indication des différentes pièces que l’on croit nécessaire d’établir pour l’instruction générale des élèves dans le nouveau local de la maison de la Révolution (ci-devant Bourbon).

Muséum que l’on pourrait établir dans le bâtiment ci-devant Lassé

  • Une galerie de modèles, machines, instruments de mathématiques et de physique.
  • Une bibliothèque.
  • Cabinet d’histoire naturelle.
  • Cabinet de chimie.
  • Laboratoire à la suite.
  • Salles des archives ou dépôt des cartes, plans des routes, ports maritimes, ponts, canaux, écluses, projet et mémoires relatifs.

Salles et cabinets pour l’instruction des élèves

Salles de mathématiques :

On pense qu’il en faudrait au moins quatre, dans lesquelles se feraient les leçons à des heures différentes.

  • Quatre salles particulières où les élèves pourraient méditer.
  • Deux salles pour les calculs, tels que terrasses, toisés, devis et détails.
  • Deux salles pour l’étude de la fortification.
  • Une salle pour les épures tant pour la coupe des pierres que pour la charpente,

À placer au rez-de-chaussée :

  • Une salle au rez de chaussée affectée à la coupe des pierres.
  • Une autre idem à la charpente.
  • Un atelier où les élèves apprendraient à faire les modèles, guidés par un habile ouvrier.
  • Une petite forge à la suite et relative à cet objet d’instruction.
  • Une pièce affectée aux expériences sur le bois, le fer et la pierre, dans laquelle serait placée une machine qui existe à l’école, rue Saint-Lazare.
  • Deux salles de dessin pour les projets en général.
  • Deux salles de dessin tant pour la carte que l’ornement et le paysage.
  • Une salle pour le dessin d’après la bosse.
  • Une grande pièce en forme de galerie affectée uniquement pour l’exposition des concours et pour la distribution des prix.

Professeurs

On pense qu’il conviendrait que chaque professeur ait un cabinet particulier à la portée des élèves.

Observation sur cet objet

On ne doit pas se dissimuler que le nombre d’environ trente pièces (non compris le Muséum) proposées pour l’instruction journalière des élèves ne soit très considérable, relativement aux dépenses qu’elles nécessiteront. Mais cette instruction et les arts perfectionnés qui en sont la suite sont le nerf d’une grande République.

On observe encore, pour que les progrès de l’instruction soient plus rapides, qu’il serait à désirer que les professeurs soient logés dans la partie des bâtiments qui sera affectée à l’École nationale. D’autant que nous croyons qu’il y aura beaucoup de parties du logement dont on pourra disposer. Car il ne suffît pas qu’un professeur habile soit exact aux heures indiquées pour faire ses leçons, il faut encore que les élèves puissent le consulter en particulier tous les jours et à toute heure ; on est assuré par des observations et par des remarques que l’on a faites à ce sujet que ce serait un des moyens les plus prompts pour hâter l’instruction et, en cela, on remplirait le but du Comité de salut public.

On conçoit les objections que l’on pourra faire à cette idée, mais le bien général doit l’emporter sur de petits inconvénients et de petites économies, car il est prouvé qu’un entretien d’une heure entre un élève et son professeur sur une question relative aux sciences et aux arts lui est plus profitable qu’une leçon de deux heures, surtout quand c’est l’élève qui provoque cet entretien.

Logements qui pourraient être donnés aux citoyens chargés de la direction et de l’instruction des élèves

  • 1 directeur
  • 1 examinateur
  • 3 inspecteurs
  • 4 professeurs de mathématiques
  • 1 professeur de fortification
  • 2 professeurs d’architecture civile et militaire
  • 1 professeur de dessin
  • 1 professeur pour la coupe des pierres et le trait de la charpente
  • 1 professeur d’histoire naturelle et de chimie
  • ——————————
  • Total des logements : 15

Observations particulières sur le nombre des trois inspecteurs proposés

En outre de ce que chaque inspecteur serait chargé de la surveillance journalière des élèves, ils pourraient avoir encore séparément

  • la garde de la bibliothèque, celle des plans et modèles.
  • de l’examen et des rapports à faire tous les trois mois à la Commission des travaux publics du travail des élèves et de leurs progrès respectifs lors des concours.
  • des dessins en général et de l’inspection pour les modèles et machines que l’on ferait exécuter par les élèves et qui eux-mêmes seraient guidés par un habile ouvrier.

On ignore quelle est l’intention du Comité relativement au choix à faire pour les professeurs de mathématiques ; peut-être conviendrait-il de les prendre parmi les ingénieurs militaires et civils. L’instruction des élèves y trouverait deux avantages réunis : 1° la théorie et 2° son application à la pratique des constructions des différents genres.

Nous désirons bien que cette esquisse que nous avons faite rapidement puisse remplir la demande du citoyen Prieur et les vues du Comité de salut public.

Paris, ce 10 floréal an II de la République française une et indivisible.